Par Lynda Mansson, Directrice Générale, Fondation MAVA

Partout dans le monde, la vie telle que nous l’avons connue jusque maintenant a été bouleversée ces derniers mois. Des changements imprévus et jusque-là impensables se sont imposés à nous et, dans l’ensemble, nous avons fait preuve d’une formidable capacité d’adaptation.

La tragédie touche le monde entier et est grave, et nous continuerons à en ressentir les effets encore pendant un bon moment. Toutefois, la situation a également suscité de profondes remises en question et j’ai pu constater quelques résultats positifs. Parallèlement, il est important que nous repensions notre relation à la nature afin de mieux appréhender les corrélations entre santé et nature.

Cet article passe en revue les réflexions actuellement en cours et la manière dont la MAVA a abordé la crise, et évoque quelques pistes pour renforcer notre relation avec la nature.

Repenser la philanthropie

La communauté philanthropique a réagi rapidement et de manière solidaire à la crise. J’ai pu observer davantage de flexibilité, des prises de décisions plus rapides et décentralisées, une confiance accrue envers les partenaires pour définir leurs besoins, ainsi qu’une réaffectation des financements de projets en cours vers des soutiens sans restriction. De nombreuses fondations ont débloqué des fonds supplémentaires pour des aides urgentes et, dans de nombreux cas, ont puisé dans leur capital auparavant « intouchable » pour renforcer les financements d’urgence. Même si je suis consciente que toutes les fondations n’ont pas forcément agi de cette manière, je n’en connais personnellement aucune qui n’ait pas fait preuve de compréhension, compassion et promptitude à agir.

Avec de nombreuses autres fondations, la MAVA s’est jointe aux déclarations d’actions et de soutien en réponse au Covid-19 du European Foundations Center et de SwissFoundations, deux alliances de fondations philanthropiques.

J’ai observé une importante remise en question de la manière dont les fondations allouent leurs financements et une volonté de réforme en profondeur. Le temps nous dira si ces bonnes intentions se concrétisent et se poursuivent à l’avenir, mais les bases sont jetées pour de meilleures pratiques.

La réponse de la MAVA

Notre réponse peut se décliner en trois phase : la crise immédiate, la reconstruction pour mieux résister et la recomposition du futur.

La crise immédiate

Comme nombre de nos pairs, la MAVA a intensifié ses mécanismes de soutien en faveur de ses partenaires. Cela inclut des aides d’urgence pour couvrir des frais inattendus ou des pertes de revenus, des forums de discussion entre pairs sur les défis que rencontrent les leaders en temps de crise, une plus grande flexibilité dans certaines conditions de financements, et du soutien supplémentaire pour des sujets spécifiques tels que la communication en temps de crise, ou la planification face à l’incertitude.

Nous avons essayé d’écouter attentivement nos partenaires et de répondre à leurs besoins plutôt que d’imposer nos solutions qui ne sont peut-être pas les bonnes.

Nous avons surtout veillé à ce que les salaires soient versés afin d’éviter des licenciements massifs pendant la crise. Je ne saurais compter le nombre de salaires auxquels nous contribuons, mais je crois pouvoir affirmer que cette approche a aidé des centaines, voire des milliers de familles à éviter des difficultés financières.

Reconstruire pour mieux résister

Cette phase pourrait durer pour une période encore indéterminée. Nous continuerons à allouer des financements pour les besoins urgents et, au fil du temps, nos partenaires devraient avoir une meilleure vision de leurs besoins.

Déjà avant la crise, et de manière encore plus pertinente aujourd’hui, nous nous sommes associés avec Acumen Academy pour mettre en place un cours en ligne sur la collecte de fonds qui sera offert gratuitement à tous nos partenaires. Le premier cours sera lancé le 23 juin 2020. Un appel à propositions a également été lancé pour soutenir les activités de collecte de fonds et permettre à certains partenaires d’approfondir leurs activités dans le domaine.

Nous offrirons également la possibilité de participer à une formation sur la planification de scénarios en période de Covid, avec un soutien en faveur de certains partenaires afin de les aider à repenser leur positionnement pour l’avenir.

Et nous poursuivons notre programme de soutien aux partenaires en matière de développement organisationnel.

Recomposer le futur

Nous travaillons avec quelques partenaires et bailleurs de fonds pour nous aider à éviter un retour à l’ancienne normale une fois la crise passée. En particulier, les activités que nous menons dans le cadre du programme Economie durable de la MAVA et la collaboration avec plusieurs bailleurs de fonds intitulée « Partners for a New Economy » sont plus pertinentes que jamais. Ces initiatives visent notamment à rendre les plans de relance plus écologiques, à définir autrement ce qui devrait être valorisé dans notre économie, et à renforcer le message clé selon lequel nous avons besoin d’une nature préservée pour rester en bonne santé.

Sur ce dernier point, la crise nous rappelle non seulement que notre santé est intimement liée à celle des animaux et de l’environnement, mais aussi que notre relation avec la nature est déséquilibrée et déstabilisée.

Nous perturbons les systèmes naturels, et les êtres humains, la vie sauvage et les animaux domestiques entrent en contact étroit, créant ainsi des conditions propices à l’émergence de nouvelles maladies infectieuses.

Nous ne pouvons pas fonctionner à nouveau comme nous le faisions avant. Nous devons reconstruire notre relation avec la nature et investir dans des solutions basées sur la nature qui permettent de restaurer les écosystèmes, qui favorisent la santé et la sécurité des humains, et qui abordent les questions liées aux crises interdépendantes que sont le dérèglement du climat et la destruction de la nature.

Si nous voulons nous en sortir, nous devons adopter une approche intégrée « One Health » mettant en avant la résilience et la régénération, et reconnaître les interconnexions complexes prévalant entre notre santé et celle des animaux et de la nature, commune à tous.

Nous devons également redéfinir la conservation, en repensant alimentation, infrastructures et systèmes économiques dans une perspective de santé et de durabilité.

Un avenir différent est possible – un avenir où les promesses des objectifs de développement durables se concrétisent et où la prospérité pour tout un chacun est possible sur une planète saine. La recomposition de l’avenir repose sur une coopération accrue entre les gouvernements, les entreprises et la société civile.

La nature est notre bouclier. Si, ensemble, nous la protégeons et la restaurons, elle nous aidera et nous protégera. Faisons en sorte que ce soit là un des enseignements clés que nous pouvons tirer de ces temps difficiles.