Par Charlotte Karibuhoye, Directrice, Programme Afrique de l’Ouest de la MAVA

Plusieurs mots reviennent très souvent à la MAVA : fédérer, mobiliser, rassembler,… On pourrait se demander « mais qu’est-ce qu’un bailleur a à voir avec cela? » . Et pour caricaturer un peu, un bailleur n’est-il pas sensé juste recevoir des requêtes de financement, les analyser et les financer ? Et ensuite bien sur suivre l’utilisation des fonds qu’il a octroyés jusqu’a la fin du projet ou programme. Oui, mais sauf que la MAVA se veut un bailleur résolument engagé et l’idée de soutenir des communautés d’acteurs de la conservation dans les différentes régions où nous travaillons, et au-delà, est depuis le début et reste encore plus aujourd’hui, ancrée au coeur de notre travail aujourd’hui.

Vous avez dit : rassembler ?

Dans le cadre de notre stratégie 2016-2022, nous privilégions des projets multi-partenaires, mis en œuvre de manière collaborative à différentes échelles (locale, nationale, régionale). Cependant, de manière générale et dans de telles conditions en particulier, rassembler ne se fait pas automatiquement ni sans défis. C’est presque un second métier, qui demande une excellente compréhension du contexte, des partenaires, des problématiques, mais aussi beaucoup d’écoute, une bonne dose de perspicacité et du tact.

De rassembleur à médiateur….

Il y a deux ans, lorsque nous avons lancé les premiers ateliers multi-acteurs pour le développement des plans d’actions, un des bénéfices constatés dès le début par la plupart des partenaires impliqués (indépendamment des régions d’ailleurs) était l’opportunité pour eux de se retrouver, souvent pour la première fois, autour d’une table pour parler, échanger et en plus construire quelque chose ensemble ! Bien qu’intervenant sur les mêmes thématiques (et même sur les même sites), les acteurs n’ont pas toujours le réflexe de travailler ensemble, par manque d’opportunité, de temps, d’intérêt, de ressources ….

En Afrique de l’Ouest, ces nouvelles collaborations se sont créées autour non seulement de problématiques de conservation connues ou conventionnelles, mais aussi de thématiques nouvelles pour nous ou émergentes (comme la gestion des risques de pollution pétrolière /gazières offshore, la gestion des infrastructures côtières ou la réduction du bycatch d’espèces marines). Cela a demandé des discussions et négociations sur les objectifs les plus pertinents, les approches les plus prometteuses, les résultats les plus ambitieux mais réalistes, les partenariats les plus solides… L’arbre à palabre dans sa version moderne. Notre rôle de médiateur s’avère important pour faire avancer les choses tout en gardant le focus sur l’essentiel : les objectifs identifiés en commun, car le succès n’a pas le même visage pour tous.

Dans tout ce processus, des erreurs, des oublis et omissions sont tout à fait naturels, rien n’est parfait : c’est un apprentissage perpétuel pour nous et pour tous les partenaires, un processus au cours duquel on se perfectionne par la pratique. C’est là aussi qu’interviennent les fameux «Co»: complémentarité des intervenants, collaboration et coordination des actions, cohésion, cohérence dans la mise en oeuvre et j’ai failli dire « colidarité » car oui, la solidarité est de mise. Si un des projets ou un des partenaires ne réussit pas à atteindre ses objectifs, c’est tout le plan d’action concerné qui en pâtira.

…. et conseiller 

Dans cette mise en commun des capacités et des ressources, la connaissance profonde du contexte et des acteurs nous a beaucoup facilité la tâche. Car il faut aussi s’investir et contribuer à l’ensemble du processus aux côtés de nos partenaires.

L’un des principaux défis est d’arriver à rassembler, assurer la médiation et accompagner sans imposer ses choix aux partenaires, ni être tentés d’exécuter nous-mêmes : un exercice difficile mais indispensable, lorsqu’on vise l’appropriation et surtout la durabilité des actions !  Ceci est d’autant plus vrai pour la MAVA, lorsqu’on sait que d’ici moins de 5 ans, la fondation ne sera plus présente.

Quelles leçons tirer de ces premières étapes ?

– la collaboration entre les acteurs n’est pas automatique et encore moins entre « partenaires improbables  » ; c’est un apprentissage continu, qui demande de la persévérance, beaucoup de vigilance et de la prudence. Un dicton ne dit-il pas qu’il faut aller doucement parce qu’on est pressé ?

– Les vieilles habitudes (par exemple être tenté d’avancer en solo pour aller plus vite) étant coriaces, il est nécessaire de nourrir et enrichir ces collaborations pour développer et maintenir les bons réflexes parmi tous les concernés. La communication effective, le suivi collaboratif de la mise en œuvre et le partage des succès et des échecs par tous sont nécessaires.

– Un partenaire nous a confié une fois : « je dois avouer qu’au début les choses étaient un peu confuses pour moi, mais dès qu’on a clarifié qui devait faire quoi et comment, tout est devenu beaucoup plus facile ». Il est fondamental de définir les responsabilités et les règles de fonctionnement et de clarifier la place de chacun de manière transparente. Formaliser les relations entre les différents partenaires par des protocoles et conventions s’est avéré très utile dans cette perspective.

– En tant que bailleur engagé, notre rôle de facilitateur et médiateur non impliqué dans la mise en oeuvre est crucial, afin de créer et consolider la communauté d’acteurs, assurer les arbitrages nécessaires et aider à canaliser les efforts vers les objectifs communs, dans un climat constructif.

Maintenant tout est en place : la stratégie est claire, les plans d’action sont adoptés, les partenariats établis, le système de suivi élaboré, les projets lancés. J’ai hâte de voir ce que nous réserve leur mise en œuvre et la suite de ce voyage passionnant.