Par Lynda Mansson, Directrice générale de la MAVA

Les forces alignées contre cette initiative semblent insurmontables. Les chances de succès sont très faibles, mais vu l’importance du site, les bénéfices seront énormes si nous réussissons. Ça vaut la peine d’essayer.

Tels étaient les propos de Luis Costa, responsable des activités relatives à l’eau douce du programme méditerranéen de la MAVA. Tout a eu lieu en mai 2017, lors de la réunion de l’équipe d’allocation de la MAVA. C’est là que nous débattons sur les propositions de projets et où nous décidons ce qui sera recommandé au président de la MAVA sur la façon d’investir au mieux nos ressources et d’atteindre les objectifs de nos stratégies.

Luis faisait référence à la saline d’Ulcinj au Monténégro, qui était identifiée comme l’un des sites les plus importants pour les oiseaux migrateurs dans les Balkans. Après quelques débats sur les risques, nous avons décidé de nous lancer. Cela a initié la campagne #SaveSalina (sauvez la saline) menée par le CZIP (le partenaire de BirdLife au Monténégro) et Euronatur, deux partenaires de confiance de la MAVA, soutenus encore par beaucoup d’autres. Nous nous attendions à une longue bataille avec peu de chances de protéger ce site important.

Près de deux ans plus tard, bien plus tôt que ce que nous avions prévu dans le planning, nous étions ravis d’apprendre que le Monténégro avait désigné la saline d’Ulcinj comme aire protégée nationale et avait arrêté le développement programmé du site. Imaginez notre satisfaction de voir ce pari risqué porter ses fruits.

Mais bien sûr, nos investissements n’ont pas tous une si belle fin. Comme tous les bailleurs prêts à prendre des risques, nous espérons un bon résultat, mais souvent, celui-ci est peu satisfaisant. Tous les donateurs rêvent de grands impacts après avoir pris des risques, mais ils ne sont pas tous prêts à prendre ce risque et à accepter que les résultats escomptés ne sont peut-être pas atteints.

Cela prouve que les fondations familiales jouent un rôle important. D’autres types de bailleurs peuvent avoir une tolérance au risque bien moindre en raison de leurs structures de gouvernance, de la surveillance publique ou d’autres facteurs. Les fondations familiales, en raison de leur position particulière, ont la capacité (et je dirais même l’obligation) de soutenir des initiatives plus risquées, d’expérimenter et de parfois même soutenir des idées folles. Cela remplit une niche essentielle dans l’écosystème des bailleurs.

La MAVA a la chance d’avoir le soutien d’une famille prête à investir pour ce qui est important, peu importe le risque que cela représente ou le côté peu séducteur du projet. Le profil des communications n’est jamais la question. Cela nous a permis de soutenir des innovations et des expérimentations au fil des ans, parfois avec des grands résultats, parfois non.

Qu’est-ce qui nous a permis de le faire? Plusieurs éléments d’ordre culturels répondent à cette question:
  La compréhension et le soutien du conseil de fondation qui doit renoncer à l’attente que chaque projet financé livre les résultats escomptés.
⇒  La volonté de l’équipe de prendre des risques et un management qui ne sanctionne pas l’équipe si certains des risques pris ne portent pas leurs fruits.
  Des partenaires prêts à s’investir dans des projets à haut risque et à impact élevé, et qui pensent que la relation avec le donateur est assez forte pour surmonter les hauts et les bas de tels investissements.

Nous aimons tous le gros lot quand il arrive, mais pour l’obtenir, les bailleurs doivent être prêts à prendre des risques lorsqu’ils s’engagent à soutenir des initiatives dont les résultats seront difficiles à atteindre.

En ce qui concerne la saline d’Ulcinj, le défi se poursuit : il faut encore assurer une gestion efficace du site et continuer à repousser de futures tentatives de développement. Le travail continue.