Par Holger Schmid, Directeur, Programmes Suisse / Economie durable, Fondation MAVA

Après une décennie passée à travailler dans la philanthropie, j’ai pu observer, et prendre part à, de nombreuses façons dont les fondations s’engagent (ou pas) avec leurs bénéficiaires potentiels ou actuels. La philanthropie la plus traditionnelle ne comprend pas d’interaction directe – il s’agit juste de soumettre des idées de projets, développées dans leur intégralité, et elles sont ensuite soumises à la merci de la décision du Conseil de la fondation et de son expertise. Le rôle du Conseil est de voir les forces et faiblesses du projet, et de juger de son adéquation avec les priorités de la fondation. De son côté, le candidat essaie, en se basant sur son interprétation de la mission de la fondation, de présenter une idée de projet avec une approche et une formulation susceptibles d’influencer favorablement la décision du Conseil. Les deux parties travaillent dans leur bulle, avec leurs propres opinions et connaissances, et chacune essaie, d’une certaine façon, d’être plus intelligent que l’autre. Malgré toute la bonne volonté que chacune des parties peut avoir, ce modèle basé sur ce « jeu du plus malin », ne mène pas toujours aux meilleurs résultats pour la cause.

Malheureusement, une grande partie du financement se fait encore de cette façon. Néanmoins, il est à noter que les fondations – surtout les grandes, qui peuvent se permettre un personnel dédié – ont investi dans le renforcement de leur compréhension et de leur expertise dans les domaines qui les intéressent, permettant ainsi un meilleur dialogue et une compréhension accrue entre le bailleur et le bénéficiaire. Malgré cela, une grande partie du personnel des fondations reste encore souvent généraliste, et manque de connaissances spécialisées et de temps pour se pencher sur une question particulière et la comprendre suffisamment pour formuler des recommandations ou émettre un jugement basé sur une compréhension approfondie. C’est notamment vrai dans les domaines qui changent rapidement, comme dans le programme Économie durable de la MAVA. Ce manque de connaissances approfondies est généralement compensé par une expertise extérieure, limitée dans la portée et souvent déconnectée de la philosophie de la fondation et de son portefeuille de financement au sens large. Même s’il s’agit d’un grand pas en avant, et d’une importante amélioration dans la relation entre le bailleur et le destinataire qui se répercute au final sur la qualité des projets et des décisions prises, le bailleur et le bénéficiaire restent encore opposés.

Ne serait-il pas plus logique d’essayer d’éliminer ces frictions, et de réunir le bénéficiaire et le bailleur afin que chacun puisse faire valoir ses principaux atouts ? Ne serait-il pas bénéfique de créer un espace où les bailleurs vont plus loin que le seul financement et deviennent des rassembleurs et des facilitateurs, et où les bénéficiaires sont au plus près des problématiques et deviennent la source d’expertise ?

Dans le développement et la réalisation de notre dernière stratégie, c’est exactement ce que nous faisons. Nous avons invité nos partenaires à co-développer nos programmes. Nous avons réuni nos partenaires afin de mettre au point des stratégies de financement et créé des comités de pilotage multi-organisationnels afin d’orienter la mise en œuvre des programmes et projets. Dans notre programme Économie durable, nous sommes même allés un pas plus loin, et avons créé des accords de collaboration sur le long terme avec des partenaires clés, pour qu’ils nous fournissent une expertise thématique spécifique et un accès aux réseaux d’experts pour le développement et la réalisation du programme. Par comparaison avec le modèle philanthropique traditionnel du « jeu du plus malin », nous avons dorénavant un secrétariat de fondation partiellement distribué, avec des tâches techniques externalisées aux partenaires et bénéficiaires. En termes de ressources opérationnelles, nous avons apporté une expertise équivalente à 1 ETP réparti chez cinq partenaires différents (think tanks, ONG et réseaux).

Ce que nous avons appris jusqu’à présent :

  • Nous pensons que nous avons un accès continu à une compréhension technique approfondie.
  • Les dépenses opérationnelles relatives à l’expertise gagnée sont très favorables.
  • Tous les partenaires ont des caractéristiques très différentes, et ont besoin d’une gestion ou d’un coaching individuel pour comprendre les besoins de la philanthropie.
  • Même les organisations qui travaillent quotidiennement sur les problématiques n’ont pas une vision globale, et ont besoin d’encouragement pour aller plus loin dans leurs démarches.

Pour la bonne gouvernance d’une telle structure, il faut un Conseil consultatif en accompagnement. Dans un prochain article du blog, nous vous donnerons plus d’informations sur les enseignements tirés avec le Conseil.