Par Julien Sémelin, Manager, Bassin méditerranéen, Fondation MAVA
Il y a deux ans, quand j’ai appris la fermeture de la MAVA en 2022, je l’ai tout de suite perçu de manière assez positive. Cinq ans pour faire la différence, il va falloir être innovant et surtout très habile dans la sélection des projets à financer. La question de la mesure de l’impact de nos projets en 2022 s’est aussi très rapidement posée. C’est certainement une question essentielle dans notre métier. Mais dans ce contexte, je peux assurer qu’elle a pris une dimension toute particulière. Quand on sait que l’on va concentrer tous nos efforts sur un nombre limité d’objectifs, et qu’il n’y aura pas de phase 2 ou 3 pour compenser d’éventuels retards, il va falloir s’organiser différemment. Cette fois c’est sans filets.
Nous avons ainsi construit notre dernier cycle stratégique 2016-2022 sur une idée simple. Pour maximiser notre impact en 2022, nous allons sélectionner des projets qui s’inscrivent dans des objectifs communs. Par exemple : « diminuer l’impact de la pêche sur la biodiversité marine ». Mais comment assurer la cohérence des différents projets alignés autour de cet objectif et surtout, comment mesurer leur impact en 2022 ?
Depuis plusieurs années, nous demandions à certains de nos partenaires de développer leurs projets en suivant les Normes Ouvertes pour la protection de la nature. Une méthodologie qui nous avait séduite car elle oblige le porteur de projet à construire toute son approche sur la base des résultats qu’il cherche à atteindre. Cela paraît une évidence, mais il faut me croire, ce n’est pas toujours le cas. Pourquoi ne pas appliquer cette méthodologie à nous même ? Le seul problème, c’est que cette approche par les Normes Ouvertes n’avait quasiment jamais été utilisée à l’échelle d’une fondation. Il faut donc innover et apprendre au fur et à mesure. Mais n’est-ce pas aussi un peu ça, le rôle d’une organisation comme la nôtre ?
Je dois avouer que les premiers ateliers de réflexion avec nos partenaires n’ont pas été faciles. Cette approche peut en effet être déstabilisante au premier abord, et il y a de quoi se noyer dans la complexité. Mais quand on s’est lancé dans une lecture difficile, il est parfois bon de revenir lire l’introduction. C’est ainsi que je suis retombé sur les trois questions clés de gestion adaptative : 1) Est-ce que je fais les bonnes choses ? 2) Est-ce que je les fais correctement ? 3) Est-ce que j’ai un impact à travers ce que je fais ? Ces trois questions sont finalement devenues mon fil directeur.
Traduites à notre niveau, ces trois questions nous permettent de structurer notre voyage vers 2022 et surtout, d’y voir plus clair. La première question devient alors : Comment nous assurer que nous sélectionnons les bons projets pour atteindre nos résultats ? En appliquant les Normes Ouvertes, nous avons élaboré différents Plans d’actions. Chaque projet a été évalué en fonction de sa contribution à ce plan. Cela a été notre principale tâche en 2017.
Financer des projets, c’est ensuite ce que nous faisons de mieux depuis des années, et pour répondre à la seconde question : Est-ce que ces projets sont mis en œuvre correctement ?, nous sommes déjà particulièrement bien outillés, notamment avec nos fameux rapports de progrès. « Est-ce que cette formation a eu lieu ? Combien de participants ? Est-ce que cette cartographie a pu être réalisée correctement ? » Depuis de nombreuses années, la fondation a développé une mécanique bien huilée pour suivre ses projets.
Il nous reste maintenant à avancer sur la troisième question : Quel est l’impact combiné de nos projets ? Si mesurer l’impact d’un seul projet est déjà complexe, mesurer l’impact d’une quinzaine de projets alignés autour d’un plan d’action devient un véritable challenge. Mais ne dit-on pas aussi que lors d’un voyage, le chemin compte plus que la destination ? En s’appuyant encore sur les Normes Ouvertes, nous sommes en train de préparer le terrain pour mesurer notre impact en 2022, mais surtout, pour s’assurer d’avoir un impact en 2022 !
Finalement, avec ce contexte de fermeture en 2022, nous avons gagné en précision, nos partenaires interagissent bien plus entre eux, ils recherchent des synergies et se coordonnent beaucoup plus qu’auparavant. Notre approche se veut aussi beaucoup plus intégrée avec des acteurs en dehors de notre cercle habituel. Plusieurs fois, certains partenaires sont revenus vers moi avec la même remarque : « Vous être en train de développer une mécanique parfaite pour coordonner tous ces projets et vous allez fermer en 2022 ! ». En effet, mais il ne s’agit pas de nous. Si nous investissons tous ces efforts, c’est avant tout pour renforcer notre communauté de partenaires et assurer la poursuite de ces initiatives après 2022. Et quand je vois l’intérêt suscité par notre expérience, je suis confiant que d’autres s’inspireront de notre aventure. Après tout ce sera aussi ça, un des héritages de la MAVA.
Si vous ne connaissez par les Normes ouvertes, je vous invite à visiter ce site.