La naissance d’un mouvement
Fin février 2020, 4500 personnes ont défilé dans Berne pour demander un nouveau type d’agriculture pour la Suisse. Cette manifestation, appelée « L’alimentation est politique », a marqué la naissance de Landwirtschaftmitzukunft (Agriculture du futur) comme nouvelle force dans la société civile suisse. Elle a rapidement reçu le soutien d’autres organisations œuvrant dans le domaine de l’environnement comme Biodivision, Greenpeace et Patagonia.
« Nous sommes une jeune organisation, issue du mouvement de grève pour le climat. Nous réunissons des activistes et des agriculteurs préoccupés par le changement climatique et les impacts de la production alimentaire, et étudions comment l’agroécologie et l’agriculture régénérative peuvent aider à résoudre la crise. »
Inspiré par l’Indienne Vandana Shiva, défenseure des droits alimentaires qui milite depuis des décennies contre l’agrobusiness, l’étudiant en ingénierie environnementale, activiste et cofondateur de Landwirtschaftmitzukunft Dominik Waser vise à insuffler le changement.
L’agriculture suisse n’est pas aussi propre que ce que vous pouvez croire. La façon dont nous produisons la nourriture dans notre système alimentaire industrialisé, subventionné, mondialisé, empire la crise climatique et détruit la santé et la productivité des écosystèmes – tout est sens dessus dessous. C’est une véritable crise existentielle pour l’humanité ! Nous ne pouvons pas continuer ainsi, et il y a en Suisse des entreprises qui peuvent influencer les chaînes d’approvisionnement au niveau mondial. J’ai 23 ans, et je parle de notre futur et de notre survie – pourquoi ferais-je autre chose ?
Des citoyens pour le changement
Travaillant avec des agriculteurs, Landwirtschaftmitzukunft a élaboré une Vision 2030 pour la transformation du système alimentaire en Suisse, qui garantit la santé environnementale et humaine, la diversification, la réduction des déchets, la justice climatique et des prix justes.
« Beaucoup de jeunes comprennent que manger de la viande et des produits laitiers produits de façon intensive a un impact sur le climat – mais ces aliments sont au cœur du régime alimentaire suisse, et les gens ont l’impression qu’ils ne peuvent rien faire contre cela. Nous voulons leur laisser la parole, aux côtés de scientifiques et d’agriculteurs progressistes, afin d’avoir un point de vue informé, de remettre en cause les idées fausses, et de trouver des solutions. »
C’est dans cette optique que Landwirtschaftmitzukunft a organisé un Parlement de l’alimentation en mars 2021. Par le biais de sessions en ligne de partage de connaissances sur la santé, les conditions de travail, les prix et la durabilité, le Parlement a donné à environ 80 jeunes la possibilité d’écouter, d’apprendre et de discuter ouvertement d’idées visant un système alimentaire plus holistique.
Et en 2022, inspiré par la Convention citoyenne sur le climat qui a eu lieu en France, il est prévu d’organiser une Assemblée de citoyens. Avec le soutien du gouvernement et l’aide d’experts, l’objectif est de réunir un échantillon représentatif de personnes de tout le pays, afin de discuter des solutions qui rentrent dans le programme politique officiel.
Les propositions issues des Assemblées citoyennes sont généralement plus progressives que celles issues des gouvernements, qui sont en général retenus par des intérêts personnels. Le lobby de l’agrobusiness est très puissant en Suisse – l’année dernière, ils ont réussi à faire échouer un référendum national qui demandait une interdiction de tous les pesticides synthétiques en Suisse, en faisant une campagne jouant sur la peur de la perte d’emplois et l’augmentation du prix des aliments. Mais nous sommes déterminés à continuer à utiliser le processus démocratique, y compris le référendum, pour mettre en lumière la crise et mettre la pression sur les décideurs. Nous devons travailler avec les politiciens ainsi qu’avec les agriculteurs et activistes, afin de trouver un terrain d’entente et de changer le système alimentaire.
Un futur est possible
Dans le monde, l’agriculture représente 29% de toutes les émissions de gaz à effet de serre et 70% de toute la consommation d’eau douce, et depuis 1970 les systèmes alimentaires ont participé pour 70% à la perte de nature sur terre. Alors que près de 900 millions de personnes souffrent de la faim tous les jours, environ deux milliards sont en surpoids ou obèses, et un tiers de toute la nourriture produite n’est jamais mangée.
La taille du défi est immense, mais Dominik est persuadé que le futur de l’agriculture, de la sécurité alimentaire, de la santé et du bien-être de la planète et de la société, en Suisse et dans le monde, ne seront possibles que si nous passons à des approches plus durables comme l’agroforesterie et l’agriculture régénérative.
Nous avons besoin d’un changement radical depuis la base – et pas d’un discours écologique de façade. Pour la Suisse, cela signifie changer les fondations mêmes de la politique agricole. C’est un long processus réformateur, mais un autre futur est possible si nous le voulons. J’essaie de connecter les personnes entre elles, et de leur faire comprendre les liens entre les différents problèmes et leurs causes. Je vais là où le monde a vraiment besoin d’aide.
Comment Dominik contribue-t-il à la mission de la MAVA?
Dominik et l’équipe de Landwirtschaftmitzukunft contribuent au plan d’action sur l’agriculture durable en Suisse.