Attiré par l’océan
Né à Kiffa, au sud de la Mauritanie, Ahmed Senhoury a grandi loin de l’océan. Toutefois, son cheminement personnel l’a conduit jusqu’aux rives de l’Atlantique et est passé par la recherche et l’enseignement à Nouakchott, au Maroc, et en Europe. La mission dont il se sent investi – protéger la vie marine et soutenir les communautés – lui semble aussi naturelle que respirer.
« Mon doctorat obtenu à l’université de Caen, en France, était conditionné au fait qu’il devait profiter à mon pays. Lorsque j’ai appliqué ma formation en physique et en ingénierie à l’étude des impacts du nouveau port de Nouakchott, puis au changement côtier plus global en Mauritanie, ma passion pour la conservation s’est révélée. L’Afrique de l’Ouest a exploité ses ressources naturelles parce qu’étant pauvres, notre subsistance était en jeu , mais nous devons aussi penser à l’avenir, et trouver comment gérer nos ressources durablement. »
Aujourd’hui Directeur exécutif du Partenariat Régional pour la Conservation de la zone côtière et Marine en Afrique de l’Ouest (PRCM) basé à Dakar, Ahmed gère une coalition de plus de 80 organisations nationales et internationales, et un budget de 20 millions d’euros. Composé d’une équipe de neuf personnes, le PRCM joue un rôle essentiel pour la conservation côtière de sept pays d’Afrique de l’Ouest : Cap-Vert, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Mauritanie, Sénégal et Sierra Leone – dont les ressources naturelles et les écosystèmes connaissent tous une pression intense de la part de secteurs comme la pêche, le transport maritime, les infrastructures, le pétrole et le gaz.
J’ai rejoint le PRCM en 2006, et je me souviens avoir participé à une réunion du Conseil de la MAVA en Suisse, où le futur du PRCM était en jeu. Entendre ce jour Luc Hoffmann dire que le PRCM est une initiative pionnière qui peut servir de modèle à d’autres régions du monde m’a encouragé et m’a beaucoup inspiré : savoir que des gens voulaient nous aider, et que nous devions en faire de même pour nous ici, en Afrique de l’Ouest.
Gérer un partenariat, créer un mouvement
Le PRCM a commencé comme une coalition créée par la MAVA pour encourager une meilleure collaboration entre quelques ONG internationales travaillant toutes en Afrique de l’Ouest avec des programmes séparés. C’est aujourd’hui un vaste partenariat entre bien plus d’organisations. En 2018, le PRCM est devenu une ONG de plein droit enregistrée au Sénégal. Si le PRCM est aujourd’hui reconnu comme partenaire clé dans la région par des donateurs, des ONG et des décideurs, c’est grâce au leadership d’Ahmed, à son sens de la diplomatie, sa patience, ainsi qu’aux efforts de son équipe dévouée.
« Nous ne pouvons pas assurer une conservation côtière efficace si nous ne travaillons pas dans toute la région. Chaque pays fait face aux mêmes problèmes – nous sommes une écorégion. Nous travaillons avec les secteurs public et privé, l’université et la société civile dans toute l’Afrique de l’Ouest. Nous essayons d’ajouter de la valeur en développant une approche commune pour éviter la duplication des efforts et accroître l’impact. »
Le PRCM mobilise des fonds, offre des formations, capitalise la recherche, travaille avec les communautés pour protéger les espèces vulnérables, influence les politiques nationales, régionales et internationales, conçoit des protocoles dans le cadre de la Convention d’Abidjan sur le développement et la protection marine, et coordonne les Plans d’action MAVA sur le pétrole et le gaz, les zones humides côtières, et les tortues marines.
Notre plus grand succès est sans doute notre capacité à rassembler les personnes et à créer un mouvement en faveur du changement. Le Forum du PRCM, qui se réunira pour la dixième fois en mars 2022, est devenu le lieu où toutes les personnes travaillant sur la conservation marine en Afrique de l’Ouest – donateurs, investisseurs, chercheurs, ministres – viennent développer leur réseau, collecter des fonds, établir des stratégies, faire du plaidoyer, et innover. Son importance et sa crédibilité sont la preuve de notre succès. Dans le domaine de l’eau, nous avons contribué avec nos partenaires à la création de plus de 20 AMP dans la région, alors qu’elles n’étaient que 4 ou 5 lorsque le PRCM a commencé dans les années 2000.
À la recherche de l’équité et de la justice
Il ne fait aucun doute que l’Afrique de l’Ouest a encore de nombreux défis à relever. Les pressions sur le milieu naturel comme le changement climatique, la surpêche, le développement des infrastructures, la migration côtière, et l’urbanisation continuent de menacer les écosystèmes ; et pour une grande partie des habitants de la région, avoir suffisamment à manger reste la préoccupation principale.
« Nous devons investir dans l’éducation, les communautés et le développement, et prendre nos responsabilités. Nous devons trouver des façons de financer la conservation qui permettent aux AMP de s’épanouir sans avoir à s’appuyer sur la philanthropie. Et nous devons nous battre pour l’équité et la justice – entre les populations, les communautés, les pays et les générations. C’est un point fondamental si nous voulons réussir et prospérer, et prendre de meilleures décisions sur la façon dont nous nous comportons entre nous, et utilisons nos ressources. Je suis conscient que nous ne pouvons pas tout conserver, mais si nous reconnaissons le besoin de prendre soin de la nature et des humains, alors nous pouvons avoir ce que j’appelle un développement harmonieux. »
Comment Ahmed contribue-t-il à la mission de la MAVA?
Ahmed et l’équipe du PRCM contribuent à réaliser les Plans d’action de la MAVA en Afrique de l’Ouest.