Par Luís Costa, Gonzalo Oviedo et Julien Sémelin, Programme Méditerranée de la MAVA

La stratégie 2016-2022 de la MAVA s’appuie sur un ensemble de Plans d’action (OAPs) focalisés, dont l’objectif est de mettre un terme aux menaces les plus importantes pesant sur la biodiversité. Co-créés par des acteurs multiples et complémentaires impliqués dans les thèmes et régions prioritaires de la MAVA, ces Plans d’action offrent un cadre d’investisement au sein de nos différents programmes.

En Méditerranée, les OAPs couvrent les cibles écologiques suivantes : eau douce (M1-2), écosystèmes de zones humides côtières (M3), herbiers marins, formations coralliennes et espèces de poissons de haut niveau trophique (M4-5), paysages culturels (M6) et espèces menacées (M7). Bien que ces stratégies soient divisées en thèmes sectoriels en fonction des principales menaces pesant sur ces cibles écologiques – comme l’extraction de l’eau, le développement côtier, la surpêche ou la chasse illégale d’animaux – elles ne sont en aucun cas séparées et sans lien entre elles.

Nous cherchons à créer une connection entre projets et partenaires afin qu’ils puissent développer des approches conjointes et viser des résultats communs, ou venir renforcer un réseau, permettant ainsi d’une part de concrétiser les projets concernés et, d’autre part, de renforcer la collaboration et la durabilité des partenaires. Nous présentons ci-dessous deux exemples parlants de cette coopération existant entre nos partenaires : les différentes stratégies ont un lien entre-elles et les résultats des projets sont renforcés.

Ensemble pour les vautours et le pastoralisme

Dans notre Plan d’action sur les espèces prioritaires d’oiseaux menacés, l’empoisonnement apparait comme l’une des trois principales menaces pesant sur les vautours. L’une des substances les plus toxiques contribuant à cette mortalité est l’anti-inflammatoire diclofenac – un médicament vétérinaire utilisé pour le bétail, qui cause des taux alarmants de mortalité chez les vautours, jusqu’à 99% dans le cas des populations indiennes affectées. Nos partenaires veulent interdire l’utilisation du diclofenac dans l’Union européenne à des fins vétérinaires, car son utilisation pourrait avoir des effets catastrophiques sur les populations de vautours en Europe. Une importante campagne a été lancée par les partenaires du OAP, BirdLife International et la Vulture Conservation Foundation, afin de sensibiliser l’opinion à cette cause, laquelle nécessite l’implication des vétérinaires et éleveurs.

Par ailleurs, au travers du Plan d’action sur les paysages culturels, notre objectif est de réduire la disparition et la destruction des paysages culturels, de faire revivre les pratiques locales, et de démontrer leur durabilité et leurs avantages pour l’économie rurale et la biodiversité. Le pastoralisme nomade est l’une des principales pratiques culturelles, et un de nos partenaires, l’initiative Yolda en Turquie, cartographie les grands déplacements de troupeaux de bétail dans la région. Dans le cadre de ses activités avec Trashumancia y Naturaleza et DiversEarth en Espagne en lien avec la transhumance, une grande campagne de sensibilisation auprès d’un groupe cible très important – les éleveurs de bétail en Espagne – a été lancée autour des effets du diclofenac à usage vétérinaire. Grâce à une participation conjointe à l’un des principaux festivals de bétail en Espagne (à Jaen), ainsi qu’à une campagne commune d’information visant à instaurer l’interdiction du diclofenac en Espagne, en Italie et au Portugal, où se trouvent plus de 90% des populations de vautours d’Europe, nos partenaires ont démontré la valeur ajoutée d’une action conjointe couvrant plusieurs Plans d’action.

Entre terre et mer

Le golfe d’Oristano en Sardaigne, Italie, est l’un des sites pilotes couvert par le Plan d’action sur les zones humides côtières. Ce Plan d’action vise essentiellement à protéger six sites Ramsar autour du golfe, mais comprend également l’aire marine protégée de Sinis-Mal di Ventri. Le projet inclut des activités similaires à celles qui sont mises en oeuvre dans d’autres sites pilotes, par le biais de notre Plan d’action pour les espèces et les habitats marins méditerranéens.

Les activités comprennent la collecte de données sur les espèces et écosystèmes marins sensibles (par ex. le Posidonia oceanica, corallien), les meilleures pratiques pour la protection des herbiers marins, la relation avec la communauté des pêcheurs et l’amélioration des législations nationales et régionales concernées. La fondation MedSea cherche à accroître la productivité des herbiers marins en réduisant les impacts humains et en démontrant la valeur des services écosystémiques à toutes les acteursconcernées. Ces herbiers marins sont souvent détruits par les ancrages et la pêche au chalut, entre autres.

Dans ce site pilote de Sardaigne, l’accent est mis sur la recherche de solutions, comme le déploiement de systèmes d’éco-amarrage (systèmes permanents d’ancrage pour les bateaux de plaisance qui ne détruisent pas les habitats alentours) et des systèmes anti-chalutage (systèmes solides sous-marins qui empêchent les activités de chalutage dans la zone). Ces solutions ont également été appliquées dans les sites pilotes du Plan d’action pour les espèces et les habitats marins méditerranéens, comme les îles Kuriat en Tunisie et le Parc national d’Al Hoceima au Maroc. Ainsi, nos partenaires de Sardaigne ont la possibilité de faire partie d’un groupe de partenaires, comprenant notamment des organisations de pêche comme la Commission générale des pêches pour la Méditerranée, ce qui ne serait pas forcément un lien évident pour des partenaires engagé dans la conservation des zones humides.

En bref…

Plutôt que d’avoir des Plans d’action dont les stratégies sont dissociées, nous encourageons une planification et une mise en œuvre d’activités conjointes, avec des objectifs communs en matière de conservation permettant à tous les acteurs concernés d’en tirer des bénéfices. D’autres avantages sont également à mentionner : l’investissement dans les projets est démultiplié, créant ainsi des avantages multiples de part les activités communes, la coopération entre les différentes organisations concernées est renforcée, permettant à ces dernières d’avoir un espace de collaboration pour le présent et le futur, ce qui, au final, est bénéfique pour leur propre durabilité.