Par Lynda Mansson, Directrice générale, Fondation MAVA

Cela fait 25 ans cette année que la MAVA agit en tant que bailleur de fonds. Créé à l’origine comme outil pour la philanthropie personnelle de notre fondateur, les financements octroyés par la MAVA ont évolué au fil du temps. J’aimerais revenir brièvement sur les différentes phases de l’existence de la MAVA, et comment nous en sommes arrivés là où nous sommes aujourd’hui. Pendant ces 25 ans, les financements de la MAVA sont passés de 6,5 millions CHF en 1994 à une moyenne de 75 millions CHF par an ces dernières années. Fin 2018, nous avions décaissé un total de 840 millions CHF en soutien de 1’046 projets.

La première phase : les débuts pionniers – 1994-2007

La MAVA a été fondée en 1994 mais, d’une certaine façon, cette première phase commence avant la création officielle de la Fondation. Au départ, la philanthropie de notre fondateur, Dr. Luc Hoffmann, était animée par un choix très personnel de projets. Avant la création de la MAVA et pendant sa première phase, Luc a souvent soutenu les personnes en qui il croyait, que ce soit pour des projets de conservation ou dans leurs recherches. Il a notamment identifié des sites importants (la Camargue dans le sud de la France, le parc Doñana en Espagne, le Banc d’Arguin en Mauritanie, les l’archipel des Bijagos en Guinée-Bissau, et les lacs Prespa en Grèce, Albanie et Macédoine du nord) et a commencé à soutenir des efforts en faveur de la conservation bien avant que leur importance ne soit reconnue – un soutien que la MAVA a continué et renforcé jusqu’à aujourd’hui.

Pendant cette phase, Luc a soutenu des organisations naissantes qui sont devenues ensuite des leaders importants dans le mouvement de la conservation, comme l’UICN, le WWF (International ainsi que de nombreux bureaux nationaux), la Convention de Ramsar et de nombreuses autres. Il a aidé à l’établissement d’ONG plus petites, locales, afin de répondre à des besoins spécifiques, comme l’ancienne FIBA (Fondation internationale du banc d’Arguin) pour le Parc national du Banc d’Arguin, et la SPP (Société pour la protection des Prespa) pour les lacs Prespa.

Luc était très présent dans tous les aspects de la Fondation. Même si en 2004 il a engagé un chargé de programmes pour l’aider, Holger Schmid, et une assistante à temps partiel, Silvana Tschudin, il a continué à répondre personnellement au téléphone et à toutes les demandes de financement. Holger rappelle une évolution importante dans l’histoire de la MAVA : « Le fait que Luc accepte d’installer une deuxième ligne de téléphone a constitué une étape symbolique vers la phase suivante de l’existence de la MAVA, car cela m’a permis moi aussi de gérer directement les demandeurs de financement. »

À cette époque, le Conseil de la MAVA était très impliqué ; il étudiait chaque proposition de projet et prenait les décisions finales sur le financement. À cette époque toujours, il y avait plus de financement disponible que de projets, aussi un très grand nombre de projets soumis obtenaient leur financement.

La deuxième phase : la professionnalisation – 2008-2015

En 2009, l’équipe était composée de six personnes, avec des spécialistes pour chaque programme régional ainsi que pour les finances et l’administration. Citons notamment Thierry Renaud qui gérait le programme Afrique de l’Ouest, Paule Gros la Méditerranée, et Holger Schmid l’Arc alpin.

Cette équipe travaillait au domicile de Luc – et ce jusqu’en 2010, où des changements plus radicaux ont été introduits. En effet, à l’âge de 87 ans, Luc a décidé de prendre un peu de recul et de ne plus autant s’impliquer quotidiennement dans la Fondation. Il a transmis la présidence à son fils André Hoffmann, les bureaux ont déménagé pour s’installer dans le bâtiment de l’UICN à Gland (Suisse) et il m’a engagée en tant que Directrice générale afin de professionnaliser la Fondation.

André raconte : « Lorsque j’ai pris le relai de mon père en tant que Président, prendre sa place m’est apparu comme un défi considérable. Je voyais clairement que nous devions professionnaliser la Fondation, au vu de sa taille et de sa croissance. La première chose que j’ai faite a donc été de restructurer le Conseil, afin qu’il joue un rôle plus stratégique et moins pratique. Cela a également impliqué des changements importants au niveau de l’équipe et Lynda a été engagée pour mener ce processus. »

Cette période a coïncidé avec une nette augmentation des financements disponibles suite à un changement dans la façon dont la famille finançait la MAVA – changement opéré en 2007. Cela a augmenté la taille du portefeuille de projets soutenus et parallèlement le besoin d’être davantage structuré. De nombreux changements ont été apportés au sein de la Fondation (plus de détails sur ces changements dans un futur article de blog !), et une stratégie plus claire a notamment été mise en place, afin de mieux cibler le type de propositions que nous recevions.

Pendant cette période, nous avons renforcé la communication à propos de nos priorités de financement et avons accru la visibilité de la Fondation. Le nombre de projets soumis a dépassé les fonds disponibles, et la sélection est devenue plus concurrentielle. Nous avons réalisé que notre système consistant à étudier un projet à la fois ne nous convenait plus. Nous avons donc formé une équipe chargée de l’allocation des fonds, constituée des responsables de programmes, de la responsable des finances et de moi-même. L’objectif était de débattre des mérites des différents projets soumis et de choisir ceux présentant le plus de potentiel et correspondant le mieux à notre stratégie.

L’équipe s’est agrandie, passant à neuf personnes, et a été grandement autonomisée afin qu’elle puisse s’engager proactivement avec les partenaires. Les responsabilités – et les capacités – de l’équipe se sont accrues. Comme le dit Paule : « C’était une merveilleuse période, et nous avons profondément changé la façon dont nous opérions, ce qui a permis au final de bâtir des relations bien plus solides avec nos partenaires. »

En 2014, la Fondation a pris la décision de fusionner avec la FIBA, basée en Afrique de l’Ouest. Cela a permis de renforcer notre présence dans la région et d’améliorer notre capacité à soutenir nos partenaires de la région. Charlotte Karibuhoye, Directrice du Programme pour l’Afrique de l’Ouest, reconnaît que « la fusion nous a permis de nous rapprocher de notre objectif : être un bailleur impliqué ». Deux bureaux ont été créés au Sénégal et en Mauritanie – qui ont ensuite été consolidés en un seul bureau à Dakar, ce qui a fait passer le nombre total d’employés de la MAVA à 20 personnes.

La troisième phase : la consolidation pour un impact durable – 2016-2022

Luc n’a pas fait que planifier les débuts de la Fondation, il en a aussi prévu la fin en 2022. Malgré sa disparition en 2016, André s’est engagé à mener la Fondation dans le même esprit que son père, jusqu’à et y inclus la fermeture en 2022.

La planification de notre dernier cycle d’existence s’est matérialisée dans la stratégie finale pour 2016-2022. Cette dernière stratégie met fortement l’accent sur une collaboration étroite – avec les partenaires ainsi qu’avec la communauté de bailleurs (pour plus de détails, lire les deux articles de blog de Julien Sémelin, ici et ici). Les financements au sein de nos programmes sont largement orientés vers le développement de collaborations visant à œuvrer à des résultats spécifiques.

Nous mettons également fortement l’accent sur l’impact durable. Aucun bailleur, y compris la MAVA, ne veut voir le travail qu’il a soutenu pendant des années s’arrêter après son départ. C’est chose faite grâce au nouveau programme, appelé « Impact et durabilité », qui investit dans le développement organisationnel de nos principaux partenaires, le renforcement du leadership et les mécanismes de financement durable. Thierry, aujourd’hui directeur de l’unité Impact et durabilité, explique : « Ajouter ces nouveaux outils dans notre boîte à outils de financement ne fait pas que sécuriser l’impact de nos projets : cela nous permet également d’avoir un impact durable qui va au-delà de nos financements. »

Pour André : « La MAVA est passée par plusieurs phases bien distinctes. Notre objectif, alors que nous sommes dans la phase finale, est de consolider l’héritage de la Fondation sur le long terme. Le chemin de 1994 à 2022 a été – et continuera à être – une voie d’adaptation et d’impact. »

Nous espérons que les investissements de la MAVA continueront à porter leurs fruits bien après 2022. Comme le disait Robert Louis Stevenson, « Ne juge pas chaque jour à la récolte que tu fais mais aux graines que tu sèmes. » Telle une forêt saine et solide, nous espérons que les financements de la MAVA pendant toutes ces années auront contribué à faire grandir une communauté vibrante d’acteurs de la conservation et à développer des projets sur le long-terme.